vendredi 4 novembre 2011

« L’expérience italienne de psychiatrie démocratique », par Mario Colucci

Deux versions modifiées et plus longues de cet article ont déjà paru, sous le titre “La dangerosité en psychiatrie : la réponse italienne” dans le Mensuel de l'Ecole de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien, n°12, 2006, et dans P. Chevallier, T. Greacen, Folie et justice : relire Foucault, Editions Erès, Toulouse 2009. Ici en PDF : « Le “moment heureux” de la psychiatrie italienne ».

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la psychiatrie italienne était très en retard par rapport à celle d’autres pays européens. Le nombre d’internés dans les asiles arrivait à 110 000 personnes. Les hôpitaux psychiatriques italiens n’étaient que des lieux de surveillance, enfermement et répression. 

Pour la psychiatrie, l’isolement est l’instrument thérapeutique par excellence. Il s’agit de la solution idéale pour toutes les questions d’ordre public que le pouvoir administratif ne sait pas résoudre. Le pouvoir administratif, à travers le mandat des médecins, pourra garantir l’ordre public, à l’abri de toute accusation d’arbitraire. La médecine mentale se substitue à la souveraineté du droit, en cachant l’internement derrière la nécessité du soin et de l’assistance. Grâce au diagnostic, il naturalise la folie, c’est-à-dire qu’il la transforme en un objet de nature, il la rationalise en tant que trouble mental et enfin, il en justifie l’internement dans l’institution en tant qu’elle est dangereuse. Enfermée dans l’institution, la folie trouve sa pleine réalisation dans le rôle de maladie mentale. 

La loi italienne de 1904 sanctionne l’internement des malades qui étaient définis comme “dangereux pour eux-mêmes et pour les autres et source de scandale public” et qui doivent être soignés dans des instituts spéciaux, les asiles, par des médecins spéciaux, les psychiatres. La psychiatrie acquiert un pouvoir énorme. Mais elle se trouve contrainte dans un espace à part. Ce n’est pas seulement le malade qui est interné à l’asile mais le médecin aussi qui, avec sa nouvelle discipline, partage le même sort. Alors, comment sortir de l’isolement ? Au XIXe et au XXe siècle, la psychiatrie étend son domaine en dehors des murs de l’asile et au-delà de la maladie pour faire valoir son savoir dans le contrôle généralisé et dans le fonctionnement de la population. Ce qui l’expose inévitablement au risque de renoncer à son devoir thérapeutique de soin et de devenir, comme dit Foucault, “une branche spécialisée de l’hygiène publique [...] un domaine particulier de la protection sociale, contre tous les dangers qui peuvent venir à la société du fait de la maladie”.[1]

En Italie, un tournant radical a été pris grâce à la figure du psychiatre Franco Basaglia. Il se forme à l’université de Padoue dans les années cinquante, où il travaille comme assistant à la clinique pour maladies nerveuses et mentales. Insatisfait par la psychiatrie positiviste, il s’ouvre aux courants d’inspiration phénoménologique et existentielle. En 1961, il abandonne la carrière universitaire et devient directeur de l’asile de Gorizia.

Dès qu’il y arrive, il est dégoûté par la condition inhumaine dans laquelle se trouvent les patients, par les violences auxquelles ils sont soumis, par le manque substantiel de valeur thérapeutique du lieu. Aidé par un groupe de jeunes collaborateurs et s’appuyant sur l’expérience anglaise de la Communauté thérapeutique de Maxwell Jones, Basaglia s’engage dans un travail de transformation institutionnelle. On abolit les contentions physiques et les thérapies de choc, on organise des assemblées de service et plénières, on ouvre les portes des pavillons et les grilles de l’hôpital. En d’autres termes, on cherche à “mettre entre parenthèses la maladie”, comme dit Basaglia, pour s’occuper du malade. Le geste phénoménologique d’épochè[2] est une suspension du discours psychiatrique organiciste, avec sa clinique du déficit et son invalidation du sujet fou et de son discours. Suspension du regard psychiatrique qui réduit la folie à un fait de nature, à une maladie mentale entendue comme appauvrissement cognitif et affectif, déchéance, dégénération, événement incompréhensible, incurable, inguérissable, enfin imprévisible et donc dangereux. Il dérive de cette clinique du déficit un concept de protection de la société contre le fou qui historiquement coïncide avec l’isolement et l’internement institutionnel.

Bien vite cette opération d’épochè faite par Basaglia va prendre un caractère éthique et politique : une fois démasquée la contradiction fondamentale de la psychiatrie, qui occulte sa fonction sociale sous une prétendue neutralité scientifique, le rôle des psychiatres va entrer en crise et cela va rendre possible une critique radicale des institutions dans lesquelles ils travaillent. La thèse de base est que l’hôpital, destiné au traitement des maladies mentales, est en réalité le lieu de leur chronicisation et de leur aggravation.

Ce qui frappe fortement Basaglia, c’est de constater qu’à l’intérieur de l’institution, la folie n’a plus de force. La folie a été transformée, vidée de toute énergie. Dès qu’il arrive à Gorizia, écrira-t-il, il rencontre le parfait hospitalisé, le malade mental assujetti et adapté au pouvoir institutionnel, “celui qui se présente complètement domestiqué, docile au vouloir des infirmiers et du médecin ; celui qui se laisse habiller sans réagir, qui se laisse laver, nourrir, qui s’offre pour être remis en ordre comme on remet en ordre sa chambre le matin, le malade qui ne complique pas les choses avec ses réactions personnelles, qui se conforme même sans protester, passivement, au pouvoir de l’autorité qui le protège”.[3] L’image du parfait hospitalisé au summum de sa carrière institutionnelle est l’image d’un homme vidé. Vidé de sa force, de son énergie, de ses droits, de ses capacités de réaction critique. Vidé de sa folie.

Le système de pouvoir lui-même qui fonctionne à l’intérieur de l’asile s’organise selon une disposition tactique, qui doit permettre de dompter “quelque chose qui est un danger, quelque chose qui est une force”.[4]

Le problème pour la psychiatrie n’est plus celui de la vérité de la maladie, mais, comme dit Foucault, “un problème de victoire”.[5] Il s’agit de dominer ou de vaincre quelque chose qui a les caractéristiques du danger et de la force. La folie, celle de l’individu furieux, est faite de force dangereuse. Foucault, toujours, dit : “De sorte que, si tel est bien l’objectif de la tactique asilaire, si c’est bien ça l’adversaire de cette tactique : la grande force déchaînée de la folie, eh bien, que peut être la guérison, sinon la soumission de cette force ?”.[6]

Les psychiatres ne croient plus pouvoir vraiment éliminer le délire du malade, ils se dotent au contraire des moyens nécessaires pour soumettre la force dangereuse de la folie.

C’est pour cela que Basaglia, à Gorizia, dans la tentative de renverser la logique du fonctionnement de la machine asilaire, cherche à faire pencher la balance du pouvoir du côté des internés. Pour lui, l’action thérapeutique, c’est avant tout créer des occasions pour que les internés puissent s’exprimer, pour qu’ils arrivent même à manifester la force de leur folie.

Les assemblées de Gorizia ont ce premier objectif : contester et faire en sorte que le discours produit se déplace du psychiatre à l’interné. On fait de la thérapie à partir du moment où on laisse la place à la voix des internés, à ceux surtout qui ne sont pas d’accord, car il faut leur redonner la possibilité d’exprimer encore cette agressivité qui est leur seule ressource contre l’anéantissement institutionnel. Basaglia écrit : “ceux qui participèrent à cette première communauté furent choisis parmi ceux qui […] s’étaient montrés les moins adaptables et donc qui possédaient encore une bonne dose d’agressivité sur laquelle on aurait dû parier”.[7]

Basaglia mise sur ceux qui sont le moins adaptables, sur ceux qui sont dotés d’une bonne dose d’agressivité, autrement dit, il compte paradoxalement sur l’aspect qui historiquement a représenté l’objectif de l’action répressive de la psychiatrie : c’est-à-dire la force de la folie, l’agressivité du malade, sa dangerosité. Jouer sur l’agressivité de l’interné est le seul moyen d’annuler tout sentiment de reconnaissance et de dévouement et de mettre en place, dit Basaglia, “une vraie relation […] un rapport de tension réciproque qui, tout seul, peut être capable – actuellement – de rompre les rapports autoritaires et paternalistes qui étaient la cause, encore jusqu’à hier, de l’institutionnalisation”.[8]

Le droit à l’expression de l’agressivité pour l’interné veut dire avoir le droit de retrouver sa subjectivité dans une action de résistance à la rationalisation scientifique qui l’invalide ; avoir le droit de remettre en question les rôles à l’intérieur de l’institution ; avoir le droit de construire un savoir alternatif au savoir maître de la clinique psychiatrique qui permette de laisser de la place aux voix des internés. Leur savoir est le prototype de ceux que Foucault lui-même – dans le cours Il faut défendre la société – définit comme les savoirs assujettis : “Par “savoirs assujettis”, j’entends également toute une série de savoirs qui se trouvaient disqualifiés comme savoirs non conceptuels, comme savoirs insuffisamment élaborés : savoirs naïfs, savoirs hiérarchiquement inférieurs, savoirs en dessous du niveau de la connaissance ou de la scientificité requises”.[9]

Il s’agit de savoirs qui résistent au pouvoir, qui opposent leurs particularités au discours général de la science, qui ont le droit de critiquer l’exclusion d’une communauté, d’une citoyenneté, et donc de mettre en crise la cité et l’organisation sociale qui a permis “l’institution totale” qu’est l’asile. La sortie des malades de l’asile est le début de cette crise de la cité qui a peur de leur prétendue dangerosité.

Après Gorizia, les autres expériences de Basaglia, à Parme et à Trieste, sont fondées sur la prise de conscience qu’il ne suffit pas de réformer l’asile, mais qu’il est nécessaire de l’abolir. Dans les années soixante-dix, les expériences de désinstitutionalisation se multiplient en Italie et une mobilisation plus organique contre l’institution asilaire se développe, qui aboutira à la loi 180 de 1978. La psychiatrie est enfin réglementée par une loi sanitaire et non pas par une loi spéciale, comme celle d’avant 1904. La nouvelle loi dispose la fermeture des asiles et établit comme règle inéluctable que l’on ne peut être soigné que pour des raisons de santé psychique et non de dangerosité sociale.

En effet, cette loi concerne les “normes pour les contrôles et les traitements sanitaires volontaires et obligatoires” et non pas la notion de dangerosité, qui disparaît complètement du texte législatif. La loi italienne sur la psychiatrie est une remise en question des principes sécuritaires qui inspirent d’autres législations. Il n’y a aucune obligation envers la justice mais uniquement envers la condition de santé de la personne. Les décisions concernant les traitements sanitaires relèvent d’un devoir éthique de soin et d’un devoir politique de tutelle de la santé du citoyen, non plus d’un devoir légal de défense de la société. L’hospitalisation d’office, qui était décidée par le préfet et exécutée par les forces de police, n’existe plus de même que l’hospitalisation sur demande d’un tiers. 

Cela ne veut pas dire que le traitement sanitaire obligatoire – c’est-à-dire imposé contre la volonté de la personne – n’existe pas. Mais il ne peut être décidé que par le médecin – qui doit assumer toute la responsabilité de sa décision – et uniquement pour des raisons de santé de l’individu, jamais pour des raisons de dangerosité qui menaceraient le contexte social. C’est vrai que la maladie mentale peut, dans des circonstances données, amener à des conduites agressives et violentes, conduites que, d’ailleurs, on retrouve même chez des personnes qui ne sont affectées par aucun trouble psychique. Mais ce n’est pas vrai que la dangerosité est implicitement et invariablement liée à la maladie mentale. Un tel préjugé anachronique et invalidant ne peut valoir dans une législation concernant le traitement sanitaire de personnes affectées par un trouble psychique, car on transformerait une absurdité scientifique en un principe normatif.[10]

Mais procédons par ordre : le contrôle et le traitement des maladies mentales sont normalement volontaires. Ce n’est que dans des situations particulières que la personne peut être soumise à une procédure obligatoire. Ce traitement sanitaire obligatoire (TSO), d’une durée d’une semaine maximum, ne peut être appliqué qu’à partir du moment où trois conditions sont réunies, c’est-à-dire : 

1) la présence d’un trouble psychique pour lequel une intervention thérapeutique est nécessaire ; 

2) l’impossibilité de soigner la personne en dehors de l’espace sanitaire (qui ne pourra plus être l’hôpital psychiatrique, que cette même loi a aboli) ;

3) l’absence de consentement aux soins de la part du malade.

Cette absence de consentement au soin interroge le médecin sur ce point central et délicat que représente le rapport entre maladie mentale et liberté. La tâche que la loi indique au médecin est de prendre en charge la liberté du malade, au sens de chercher à obtenir avec patience et ténacité son consentement aux soins et, quand cela n’est pas possible, de prendre en charge son refus. Il faut faire un choix responsable qui garantisse les droits de la personne et, en premier lieu, celui d’être soigné. En définitive, on ne peut pas se cacher derrière ce refus pour soutenir, de façon instrumentale, qu’il faut garantir le respect du libre choix de l’individu. De la sorte on masquerait une attitude de déresponsabilisation et l’abandon du malade dans une condition de solitude et de misère morale et matérielle. Au contraire, le médecin doit tout mettre en œuvre pour que l’on reconnaisse à la personne souffrante pleine voix au chapitre à l’intérieur d’un dispositif thérapeutique qui reste en équilibre précaire entre la tentation de contrôle pour raisons sanitaires et le danger opposé, de dérive sociale par refus du soin. C’est précisément dans cette négociation sans fin que réside l’esprit novateur de la loi, qui interroge le technicien quant à sa propre “responsabilité politique” de médiateur entre la souffrance de l’individu et la dimension sociale et institutionnelle dans laquelle cette souffrance s’exprime.

La culture judiciaire a reçu une leçon importante de la part du parcours de réforme psychiatrique. Malheureusement, la loi 180 n’a pas touché une autre “institution totale” présente en Italie, que constituent les Hôpitaux Psychiatriques Judiciaires et qui correspondent à l’internement de défense sociale en Belgique.

A travers sa jurisprudence, la Cour constitutionnelle a cependant établi que les exigences de santé d’un citoyen sont toujours plus importantes qu’une mesure de sécurité ségrégative qui risque de la menacer. Pour cela, le juge peut adopter, à la place de l’hospitalisation en Hôpital Psychiatrique Judiciaire, une autre mesure de sécurité qui permette de garantir des soins adéquats à la personne malade mentale. Ce peut être la liberté surveillée contrainte par la prescription de suivre un programme stable avec un Service de Santé mentale territorial. Le cadre territorial, c’est-à-dire, extra-hospitalier, est le lieu privilégié pour soigner les personnes atteintes de troubles mentaux, même si elles sont coupables. Il faut arriver à ce que les internés sortent progressivement et qu’ils soient confiés aux Services de Santé Mentale de leur lieu de résidence. Pour les personnes qui en plus de la mesure de sécurité doivent purger une peine, il faut prévoir une assistance adéquate en prison.

La loi 180 a montré qu’une psychiatrie sans asiles est possible et a changé la mentalité autour des maladies mentales chez les professionnels et dans l’opinion publique. L’abolition de la notion de dangerosité psychiatrique permet aujourd’hui à la culture judiciaire de mettre en question la notion de dangerosité sociale.

Basaglia dit : “Pour convaincre la population, il était nécessaire avant tout de remettre le fou dans la ville, dans la vie sociale. Nous avons ainsi suscité l’agressivité de la ville contre nous. Nous avions besoin de créer une situation de tension pour montrer le changement qui était en train de se produire. Avec le temps, la ville a compris ce qui était en train de se passer”.[11]

Prêter attention au conflit qui naît au sein d’un quartier, dès lors qu’un homme réputé dangereux revient chez lui, être présent et responsable en tant que professionnels dans la cité au moment même où on la violente, en aidant à comprendre ce qui se passe et en laissant redécouvrir la capacité d’initiative et le lien social, c’est cela qu’on peut entendre comme travail concret sur la dangerosité sociale. Le travail, au-delà de la spécificité psychiatrique, touche la ville. Entre consensus et opposition, la cité est mise face aux contradictions de la santé et de la maladie, de la liberté et du contrôle social, et elle doit répondre. C’est ça le véritable sens d’un travail que Basaglia appelle, “la transformation politique d’une communauté”.[12] Transformation qui n’est rien d’autre qu’un des parcours possibles de construction d’une démocratie.

Mario Colucci, psychiatre, chef du Service pour les Toxicomanies de Palmanova (Udine). Psychanalyste, chargé de cours à la Faculté de Psychologie de Trieste et à l’Institut pour la Clinique du Lien Social de Venise.

NOTES

[1] M. Foucault, Les anormaux. Cours au Collège de France. 1974-1975, édition établie sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, par Valerio Marchetti et Antonella Salomoni, Seuil/Gallimard, Paris, 1999, p. 109. 
[2] La notion philosophique d’épochè a été proposée par les Sceptiques de l’Antiquité et développée ensuite par la phénoménologie de Husserl. Il s’agit de mettre en suspens ou entre parenthèses le jugement, l’attitude naturelle ou spontanée ou l’idée qu’on se fait d’une chose afin de mieux la connaître [NDLR]. 
[3] F. Basaglia, Potere e istituzionalizzazione. “Dalla vita istituzionale alla vita di comunità” (1965), dans Scritti, Einaudi, Torino 1981-82, tome I, p. 287. 
[4] M. Foucault, Le pouvoir psychiatrique, op. cit., p. 8. 
[5] Ibidem. 
[6] Ibidem., p. 10. 
[7] F. Basaglia, “La “Comunità Terapeutica” come base di un servizio psichiatrico. Realtà e prospettive” (1965), dans Scritti, cit., tome. I, p. 278. 
[8] F. Basaglia, “La distruzione dell’ospedale psichiatrico come luogo di istituzionalizzazione”, dans Scritti, cit., tome 1, p. 257 
[9] M. Foucault, Il faut défendre la société. Cours au Collège de France. 1976, édition établie, dans le cadre de l’Association pour le Centre Michel Foucault, sous la direction de François Ewald et Alessandro Fontana, par Mauro Bertani et Alessandro Fontana, Seuil/Gallimard, Paris, 1997, p. 8-9. 
[10] Cf. M. Colucci, P. Di Vittorio, Franco Basaglia. Portrait d’un psychiatre intempestif, Érès, Toulouse, 2005. 
[11] Basaglia, Psychiatrie et démocratie, Érès, Toulouse, 2007, p. 132. 
[12] Ibidem, p. 170.